LA METHODE PAR DECOUPE CONIQUE




Pierre Gaboriaud de la Tour habite les Landes. Recherchant à la fois la précision et un moyen d'expression très proche de la peinture, Pierre a choisi cette technique de découpe avec laquelle il façonne ses portraits de stars à sa manière.

Il nous livre ici ses trucs lors de l'interprétation d'un portrait de Juliette BINOCHE réalisé avec des essences de bois tranchées et sciées.



Rappels sur la méthode Boulle :

La méthode de la découpe conique est très proche de la méthode Boulle ou "méthode par superposition " qui consiste à découper d’un même coup le fond et la pièce dans un paquet qui contient le placage du fond et le placage de la pièce. Le même trait de scie détermine le contour de la pièce et du fond. Après la découpe, on obtient des pièces identiques et des fonds identiques mais de bois différents, il suffit de prélever la pièce dans une essence et de la placer dans le fond de l’autre essence, les bois restants constituent eux aussi le même motif mais de nuances opposées. Dans la pratique, on remarque au moment de l’incrustation, un petit espace autour de la pièce qui est égal au passage de la lame ; cette difficulté devra être surmontée par le marqueteur. En effet, au collage, celui-ci devra bien centrer sa pièce pour équilibrer cet espace de part et d’autre de la pièce, à la finition, il devra aussi veiller à le reboucher finement.

 

Principe de la méthode de découpe conique :

La méthode de la découpe conique est, pour le principe, identique à la méthode Boulle, sauf que le plateau de la scie est faiblement incliné vers la gauche. Supposons un paquet constitué de deux feuilles de placages : celle du dessus sera le fond et celle du dessous sera la pièce, entre les deux on intercale un placage ou un carton de même épaisseur, et on solidarise les trois épaisseurs par du ruban adhésif disposé sur le pourtour, la découpe se faisant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.

Après la découpe du paquet, on ne conserve que le fond (c’est à dire la feuille de placage du dessus du paquet) et la pièce (provenant du placage du dessous), qui, à l’incrustation, va s’encastrer par en dessous et s’ajuster parfaitement dans le fond. L’espace du trait de scie n’existe plus car il est compensé par la conicité du sciage. Les bois restants, par contre, ne s’emboîtent pas et ne seront pas utilisés.

Le collage, ou incrustation, se fera immédiatement, sans cale tendue ni pressage. Le contour de la pièce est enduit de colle sur la tranche et la pièce est aussitôt incrustée dans le fond; la grande porosité du bois sur une très faible épaisseur réduit le séchage de la colle dont l’eau est très vite absorbée. Le placage peut être manipulé au bout de quelques minutes et donc prêt pour une nouvelle découpe.

Pratique :

Préparation du fond :

Le placage du dessus (1) est celui qui sera le fond du tableau, ou la pièce la plus grande; il sera très souvent manipulé et la plupart du temps, en l’air, il doit donc être renforcé avec de l’adhésif de peintre (3), au dos et sur les bords. Par contre, sa face de dessus recevra le dessin (7) en papier qui sera collé avec une colle de bureau en bâton. Ce fond peut avoir la taille définitive du tableau.

Préparation des bois à incruster :

Pour éviter les fentes et l’éclatement du bois, les placages à incruster (2) sont recouverts également, au dos, par du ruban de peintre, et sont ensuite enfermés entre deux couches de placages ou de carton (4) : celui du dessus joue un rôle important dans la conicité, et celui du dessous renforce le paquet et empêche le placage d’éclater au sciage.
Le paquet est fortement tenu sur ses quatre bords par le même ruban adhésif.
Ainsi formé, le paquet est anonyme. Il faut donc veiller avant de le constituer, à bien identifier le dessus et le dessous, l’essence utilisée, ainsi que le sens des veines, repérer la position des éventuels motifs que l’on veut exploiter : nœud, veine, courbe, par des inscriptions et quelques traits de crayons.
Il faudra constituer au moins autant de paquets qu’il y aura d’essences à utiliser dans le tableau, mais leur confection peut se faire au fur et à mesure des besoins.
La première pièce à découper doit être de préférence la plus grande, on aura donc préparé le paquet contenant le placage de la future pièce. Il faut positionner le paquet au dos de la feuille de placage qui deviendra le fond du tableau (celle qui reçoit le dessin) et bien l’orienter par rapport à son sens et son veinage (c’est là que les petits repères sur le paquet sont utiles), ainsi que la position par rapport au dessin qui est collé sur la face opposée, et le coller soigneusement avec le ruban adhésif.

La découpe :

Elle commence par la mise en place de la lame de scie (5) : pour cela, il faut faire un trou le plus petit possible.
On gagnera en finesse si on évite d’utiliser une perceuse, un simple poinçon très fin, en corde à piano de 1mm de diamètre, aplati et affûté au bout (ou une aiguille de machine à coudre fine) permet de percer le bois pour passer la lame à travers les quatre épaisseurs (deux de bois et deux de carton) en écartant les fibres du bois sans les casser, elles reprendront ensuite leur place et le trou restera discret. S’il est bien placé, le trou peut souvent disparaître par la pose de la pièce suivante qui viendra chevaucher la précédente.
Ensuite, la lame est tendue et la découpe se fait en suivant le dessin collé en tournant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.


Ouverture du sandwich d'ébène après découpage.


L’incrustation :

Après la découpe, il faut démonter la lame (5), récupérer la pile qui contient la pièce parfois minuscule, et la mettre de côté, puis décoller le paquet du dos du fond, encoller les bords de la pièce à la colle vinylique séchage rapide, ou les bords du fond, et la mettre en place; on peut utiliser ici le marteau ou le brunissoir.
Le devant du paquet, à l’endroit de la pièce, n’a plus de dessin, car celui-ci est éliminé avec les chutes. Si une autre pièce doit empiéter sur la précédente, il faut reconstituer la partie de dessin disparue en recollant un morceau de dessin qui débordera légèrement du dessin manquant. Bien faire attention au positionnement, et à la colle utilisée : éviter les colles à papier trop aqueuses qui déforment le papier !
Il faut, avant de commencer, avoir une dizaine de copies identiques du dessin qui seront utilisées au fur à mesure de la progression du tableau.
Le temps consacré à la préparation du paquet suivant et à son positionnement permet à la colle de sécher suffisamment avant la prochaine découpe.

Quand il y a de nombreuses pièces imbriquées, parfois petites et fragiles, et si le tableau perd de sa rigidité, il vaut mieux le serrer entre deux feuilles de papier et entre deux cales et le laisser sécher une nuit avant de reprendre la découpe.

Réglages :

L’angle d’inclinaison du plateau de la scie (6) dépend :
de l’épaisseur des bois utilisés,
de l’intercalaire qui peut être du placage ordinaire ou mieux, du carton d’environ 1 m/m,
de l’épaisseur du papier adhésif collé au dos du fond pour le renforcer
de la largeur de la lame
et de l’espace résiduel que l’on veut laisser entre la pièce et le fond, car à trop vouloir ajuster, la pièce une fois enduite de colle, risque de ne plus rentrer, ou bien, elle se gondole et pousse sur les autres pièces qui une à une vont sortir de leur logement, gonflées d’eau par la colle encore fraîche qui ne les maintient pas assez solidement.

L’ angle d’inclinaison du plateau (6) s’ajuste assez rapidement en découpant de petits cercles que l’on incruste selon ce qui a été expliqué plus haut.
Si la pièce est trop serrée, on réduit l’angle (le plateau devient plus horizontal) ; à l’horizontale, le jeu est maximal et égal au trait de scie. Pour réduire le jeu, on augmente l’inclinaison.

Avec des placages de 0,8 m/m, un intercalaire de 1m/m et une lame de 0,3 m/m, une inclinaison de 8° convient.
Il reste alors un très petit espace résiduel juste suffisant pour la colle. Cet espace, très peu visible, assure un ajustage parfait. Evidemment, ce réglage est empirique mais ne pose aucun problème et dépendra des matériaux utilisés.

Voir le calcul proposé par AFC sur le site de l'Atrema

Aspects de la méthode :

Si la découpe et la mise en place d’une pièce après l’autre, avec les perçages, les manipulations de lames, les collages des paquets, peuvent paraître lourds, cette méthode de découpe conique est cependant agréable :
- Il est très pratique de pouvoir découper de nouveau sur une pièce déjà en place et affiner ainsi une forme, ou ajuster un ton en retaillant une pièce de nuance très proche ou dans un sens de fibre un peu différent, avec toujours en main un support rigide qui se transforme et s’enrichit à la pose de chaque pièce, le tableau se constituant peu à peu.
- Cette méthode laisse une grande liberté de tracé, en garantissant un ajustage très précis.
- Il est possible à tout instant de faire une rectification et de procéder à une nouvelle découpe.

Lorsque la dernière pièce est découpée et incrustée au milieu des autres, on a en main le fond d’origine qui a quelque peu changé ;-), et le tableau est terminé !

Il ne reste plus qu’à le plaquer, après avoir retiré la mosaïque de rubans adhésifs qui renforçait le dos des placages.
Les tableaux de grande taille peuvent s’avérer difficiles s’ils sont constitués de nombreux motifs de petite taille ; les multiples assemblages rendent la feuille de placage de plus en plus délicate à manipuler.

Cette technique est longue et ne permet de faire qu’un seul exemplaire d’un tableau à la fois, cependant l’œuvre finale sera unique !

BINOCHE, réalisée en découpe conique, par Pierre GABORIAUD

Portrait de Juliette BINOCHE terminé



MARYLIN, réalisé en découpe conique, par Pierre GABORIAUD Portrait très précis de MADONA, par Pierre GABORIAUD Autres stars de Pierre GABORIAUD selon cette technique




Autre artiste utilisant cette technique : Philippe RAYMOND, près de Mazamet Autre artiste utilisant cette technique : Philippe RAYMOND, près de Mazamet (voir page artistes)

 

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